À la suite de l’application du RGPD, des différentes mesures entreprises par la CNIL et compte-tenu de l’intérêt grandissant que portent les internautes à la protection de leurs données personnelles, les principaux navigateurs ont pris des positions et des mesures visant à mieux respecter la vie privée et les attentes des utilisateurs. L’une d’entre elles est l’abandon des cookies tiers. Même si des solutions alternatives sont déjà en cours de développement, cette rupture va redessiner le paysage de la publicité en ligne et contraindre les annonceurs à changer leur fusil d’épaule.
Nous prenons ici le parti de présenter une partie des solutions développées par Google. Nous aurons la chance de vous présenter le 8 Avril prochain celles imaginées par Microsoft Advertising, l’un des principaux acteurs mondiaux de la data. Pour vous inscrire et poser toutes vos questions, ça se passe ici.
Tout d’abord, il convient de définir ou de redéfinir ce que sont les cookies. Inventés en 1994, les cookies sont des bouts de code informatique déposés sur un ordinateur ou sur un téléphone à la suite d’une action ou d’une simple visite de la part d’un internaute sur un site internet. Leurs usages sont multiples. Cela peut passer par exemple par l’enregistrement des identifiants de connexion d’un utilisateur pour lui permettre de se connecter plus facilement sur un site ou encore, permettre à l’éditeur du site en question de suivre la navigation de cet utilisateur sur ses pages. Ils peuvent ainsi autant servir les intérêts des utilisateurs que ceux des éditeurs.
Nous différencions par conséquent deux grandes catégories de cookies, les cookies internes ou « first-party » qui appartiennent au domaine visité puis, les cookies tiers qui nous intéressent tout particulièrement, communément appelés « third-party ».
À la grande différence des cookies internes, les cookies tiers sont déposés par des tiers sur un site qui ne leur appartient pas. Là où les cookies internes vont récolter des données pour servir aux fins du site sur lequel ils ont été déposés, les cookies tiers vont récolter des données pour servir les intérêts d’une autre structure que le site visité.
Les cookies peuvent collecter des données personnelles. Or, conformément au règlement général de la protection des données (RGPD), la récolte de telles données n’est légale que si celle-ci a été au préalable explicitement consentie par l’utilisateur à qui ces données appartiennent.
Là où un site peut maîtriser le dépôt de ses cookies internes sur son domaine grâce par exemple à une solution de gestion des consentements, il ne maîtrisera cependant pas ou mal les cookies tiers gérés par une régie publicitaire diffusant sur son site.
Pour y voir plus clair, voici un exemple emprunté à la CNIL :
« Si les sites ecommerce1.com et ecommerce2.com intègrent tous les deux des contenus de publicitaire.com, alors le serveur publicitaire.com pourra utiliser des cookies third-party pour suivre la navigation de l’utilisateur à la fois sur ecommerce1.com et sur ecommerce2.com. »
Google a ainsi annoncé souhaiter abolir l’utilisation des cookies tiers sur son navigateur Chrome d’ici à 2022 comme c’est déjà le cas pour Mozilla Firefox ou encore Edge, qui tous deux, désactivent par défaut tout ou partie des cookies tiers. Même si cela se fait d’ores-et-déjà progressivement, Google va rendre disponible sa nouvelle alternative « Privacy Sandbox » aux annonceurs dans le courant de l’année 2021 pour réaliser les premières expérimentations.
Aujourd’hui les centres d’intérêts des internautes sont en partie mesurés grâce aux cookies tiers et ce sont ces mêmes centres d’intérêts qui sont par la suite ciblés par les annonceurs pour la diffusion de leurs publicités. La disparition des cookies tiers aurait ainsi pu signifier la fin du ciblage personnalisé.
Bien heureusement, ce n’est pas le cas. Aujourd’hui, éditeurs comme annonceurs souhaitent proposer un contenu pertinent aux internautes, tant dans les contenus proposés sur les pages web que dans les publicités diffusées sur celles-ci. Ainsi, Google déploie actuellement sa nouvelle solution de ciblage d’audience par cohorte permettant aux annonceurs de continuer à cibler de manière pertinente des internautes en les regroupant dans des grands groupes d’affinités basés sur leur navigation. Ainsi, nous passerons d’un ciblage « one-to-one » avec les cookies tiers à un ciblage « one-to-few » ou « one-to-many » avec les cohortes permettant alors de cacher les individus dans la masse.
Même si d’autres solutions sont sur la table pour les autres navigateurs, nous nous penchons ici principalement sur les innovations de Google, qui, en développant sa propre solution, assoit encore un peu plus son influence sur ce marché oligopolistique. Peu après l’annonce de la suppression des cookies tiers de son navigateur, Google avait annoncé le projet « Privacy Sandbox » qui vise à abolir l’usage des cookies tiers dans le tracking pour la remplacer par des solutions plus respectueuses de la vie privée des utilisateurs. La Privacy Sandbox englobe tout un tas d’autres mesures permettant aux annonceurs de retrouver une précision de ciblage équivalente aux cookies tiers ainsi que permettre aux internautes de maîtriser la diffusion de leurs données personnelles.
C’est ainsi que Chrome a présenté Turtledove qui s’inscrit dans la Privacy Sandbox et qui consiste à – dans les grandes lignes – permettre au navigateur de détenir les informations sur ce qui intéresse un internaute à la place de l’annonceur. Ainsi, les sites internet et les régies publicitaires que ces sites utilisent ne pourront plus connaître les intérêts publicitaires de leurs visiteurs.
De ce fait, un éditeur de site pourra demander au navigateur de stocker ces informations et pourra également, demander à ses visiteurs, leur consentement quant à la récolte de ces données. Une alternative first-party aux cookies third-party en somme.
Ces données une fois stockées dans le navigateur, donneront naissance à des cohortes ou FLoC pour (Federated Learning of Cohort). Les FLoC sont des audiences regroupant des internautes pas intérêts communs et ce seront ces mêmes audiences qui seront par la suite ciblées par les annonceurs. Celles-ci seront automatiquement mises-à-jour par le navigateur et celui-ci en détiendra l’exclusivité d’accès.
Même si Google annonce permettre d’obtenir des résultats proches de ce qui se fait aujourd’hui avec les cookies tiers sur la publicité en ligne, il reste encore à ce jour de nombreuses inconnues en termes notamment, d’analyse de la performance (une vue unique ne pouvant plus être compatibilisée).
En effet, un internaute pouvant à termes refuser la récolte de ses informations au même titre que les cookies internes, il ne sera en théorie plus possible de mesurer efficacement les performances de ses annonces. Pour pallier ce manque de visibilité, Google déploie actuellement un « mode consentement » qui vise à estimer le nombre de conversions non-observables d’une annonce grâce à des signaux probabilistes. Par ailleurs, Google a publié en avril 2020 l’« API Aggregate Measurement » , qui permet de mesurer le nombre de fois où des utilisateurs uniques ont vu une annonce sur plusieurs sites grâce à des rapports anonymes respectant la vie privée des internautes. Ces rapports seront accessibles une fois seulement, que ces données auront atteint un certain seuil d’agrégation.
Bien que le devenir de la publicité en ligne ne soit pas encore très clair, son horizon se profile. Une chose est sûre, c’est que Google déploie progressivement de nombreuses innovations afin de servir les intérêts communs. Ceux de la firme, des internautes, des éditeurs et des annonceurs.